Villes intelligentes

Andrew Paice (Hochschule Luzern)

État des lieux à l’international et en Suisse

La mutation technologique et la numérisation représentent des défis majeurs pour les villes. Ces enjeux concernent tout particulièrement la mise à disposition de ressources (eau, électricité, lumière) et d’infrastructures (mobilité, gestion des déchets), mais également l’interaction directe des citoyens avec l’administration municipale. Tous ces domaines peuvent être bouleversés par les technologies numériques. Des technologies clé comme l’analyse de données massives ou l’Internet des objets sont disponibles et peuvent être utilisées pour optimiser la circulation urbaine. La communication peu coûteuse et sans fil (p.ex. la technologie Long Range Wide Area Network LoRaWAN), l’utilisation facile de capteurs à longue autonomie de batterie et les logiciels en mode cloud pour la gestion et l’analyse des données permettent de créer un environnement intelligent à l’échelle de la ville tout entière. A l’international, plusieurs villes et communes ont fait appel à ces possibilités technologiques pour mettre en oeuvre différents aspects de la vision «smart city». La gestion de l’éclairage constitue souvent la première étape, suivie de systèmes de gestion du stationnement et de la gestion du trafic. Aujourd’hui, des capteurs intelligents sont intégrés aux réseaux d’alimentation afin de faciliter leur gestion intelligente. L’avènement de l’intelligence artificielle rend possibles de nombreuses nouvelles applications, mais fait également apparaître de nouveaux risques comme le «profilage» de certains citoyens ou de certains bâtiments.

Malgré la disponibilité des technologies nécessaires, la mise en place d’une ville intelligente constitue un défi majeur en raison de la complexité du système et du grand nombre d’applications possibles. Typiquement, la faisabilité et l’utilité pour les parties concernées font l’objet d’une démonstration dans le cadre de projets pilote. Il demeure cependant des problèmes majeurs de sécurité et de protection des données qu’il s’agit de résoudre afin de favoriser l’acceptation publique.

Implications pour la Suisse

Il existe en Suisse un fort intérêt pour les villes intelligentes. Saint-Gall a initié des projets pilote dès 2015. Bâle a élaboré une stratégie et suit une approche à large assise combinant projets de démonstration et de recherche. D’autres villes comme Genève et Zurich développent une stratégie ou lancent des projets pilote souvent associés à des projets de recherche internationaux. On peut citer à titre d’exemples: un projet d’éclairage à Winterthur, un laboratoire vivant pour l’étude d’aspects sociaux à Bellinzona ou une mobilité et des systèmes de gestion du stationnement intelligents à Genève. Il est intéressant de noter que les services industriels municipaux font souvent figure de moteurs des technologies «smart city». Ils y voient la possibilité de réduire les coûts et de développer des modèles commerciaux axés sur les services. Il existe en outre des groupements d’intérêt comme Smart City Hub Switzerland ou CityZen, et l’Office fédéral de l’énergie dispose d’un programme de recherche «Bâtiments et villes» axé sur l’énergie.

Les principaux facteurs technologiques favorisant l’avènement des villes intelligentes sont les taux de propagation des technologies de réseau de l’Internet des objets et des réseaux de communication comme la 5G. Le potentiel économique des villes intelligentes est énorme et augmente encore au vu d’une convergence possible avec les technologies «smart home/smart building». Parmi les obstacles à cette évolution, on compte les coûts et les processus de décision (politiques), la complexité de l’intégration de tous les aspects au sein d’un système fonctionnel, et enfin la recherche d’arguments convaincants favorisant l’adhésion de toutes les parties concernées. Dans cet environnement hautement complexe, l’une des décisions centrales que devront prendre les villes portera sur le choix de leurs partenaires technologiques: vaudra-t-il mieux accorder sa préférence à des partenaires établis mais souvent internationaux ou choisir des partenaires locaux? Ces derniers sont garants de souplesse mais ne peuvent éventuellement pas assurer la continuité opérationnelle. Les startups et les PME suisses ont de nombreuses possibilités de proposer une assistance technologique et des modèles de service novateurs. L’enjeu consiste pour elles à gagner la confiance des villes et à fonder ensuite une entreprise pérenne afin d’assurer la continuité nécessaire. L’enjeu pour les villes consiste à créer une identité numérique et à concrétiser les initiatives «smart city» dans l’intérêt de leurs citoyens. Dans les cinq à dix années à venir, l’introduction d’innovations «smart city» et d’innovations dans les services devrait connaître un essor majeur.