La technologie blockchain comme base de services web

Thomas Puschmann (Universität Zürich)

État des lieux à l’international et en Suisse

«Blockchains» et «registres distribués (distributed ledgers) » sont souvent qualifiés de «technologies». À proprement parler, il s’agit cependant de listes d’éléments de données liés de manière cryptographique. Les blockchains et les registres distribués présentent les caractéristiques suivantes: stockage décentralisé des données et validation décentralisée au moyen de mécanismes de consensus (p.ex. preuve de travail [proof of work] et preuve d’enjeu [proof of stake]), auditabilité et persistance. On distingue les formes «publiques (permissionless)» (cercle d’utilisateurs anonyme resp. pseudonyme) et «privées (permissioned) » (cercle d’utilisateurs connu et restreint). Un problème non encore résolu du mécanisme proof-of-work pour les blockchains et les registres distribués publics est sa forte consommation d’énergie. Des mécanismes de consensus alternatifs pour la validation de transactions comme p.ex. le proof-of-stake n’en sont encore qu’au stade d’étude. Les «contrats intelligents (smart contracts)» vont pour leur part au-delà d’une simple structure de données: ils présentent des contenus sémantiquement interprétables resp. lisibles par machine pouvant déclencher des transactions automatiques.

Différentes études estiment comme «élevé à très élevé» le potentiel futur des blockchains et des registres distribués. Dans une étude publiée en 2018, le World Economic Forum (WEF) calcule ainsi des gains d’efficience d’environ 1 billion de USD à l’échelle mondiale pour le seul domaine du financement du commerce international (trade finance). D’autres domaines d’application sont: la logistique (Maersk prévoit d’optimiser sa logistique de conteneurs), le commerce (IBM et Walmart développent un système de sécurité alimentaire), les assurances (B3i développe un dispositif de contrat intelligent pour les contrats d’assurance), le secteur de l’énergie (Axpo développe une solution pour les marchés d’énergie pair-à-pair), les transports (Novotrans stocke des données d’inventaire pour les réparations ferroviaires) ou les administrations publiques (les Pays-Bas développent un système de contrôle frontalier des données de passagers).

Implications pour la Suisse

Les applications citées ci-dessus sont aussi valables pour la Suisse. D’autres exemples en Suisse sont: Modum (chaîne logistique pharmaceutique), Swiss Prime Site (gestion immobilière et location) et UBS (Utility Settlement Coin, financement du commerce international, etc.). Outre les gains d’efficience qu’ils permettent de réaliser, la blockchain et les registres distribués créent aussi de nombreux nouveaux domaines d’activité, p.ex. dans le domaine des services (identité numérique), du développement logiciel (nouveaux services web, applications distribuées [distributed apps ou dApps]) et des services spécialisés (p.ex. juridiques). Leur mise en oeuvre dépend d’au moins trois facteurs de réussite critiques: la disponibilité de talents et leur formation dans l’enseignement supérieur, un écosystème performant réunissant enseignement supérieur, acteurs établis et startups (avec un bon accès à du capital-risque) et un cadre légal et réglementaire souple. La Suisse dispose d’un bon écosystème mais elle doit encore faire des progrès en matière de formation de talents et d’accès au capital-risque.