Point de vue d’une entreprise de transformation sur les protéines végétales

Point de vue d’une entreprise de transformation sur les protéines végétales

Micarna n'est pas seulement une entreprise de transformation de la viande, elle est aussi porteuse d'un savoir-faire dans le domaine des substituts de viande. En ce qui concerne la charcuterie, par exemple, elle maîtrise les principales technologies de production. Ralph Langholz, Head Alternative Proteins et vice-président de la Swiss Protein Association (SPA), aborde dans l'interview les défis de la production de substituts de viande du point de vue d'un fabricant de protéines.

Micarna est une entreprise de transformation de viande. Pourquoi fabrique-t-elle aussi des produits à base de protéines végétales ?
Le groupe Migros Industrie fabrique déjà aujourd’hui des produits à base de protéines végétales. En tant qu’entreprise de transformation de viande, Micarna possède le savoir-faire nécessaire, p. ex. pour la fabrication des saucisses, et maîtrise par ailleurs les techniques de production adéquates. Fabriquer des substituts de viande tels que des saucisses véganes est une conséquence logique pour Micarna. De cette manière, Migros peut garantir d’offrir aux consommateur·rice·s un produit sans viande à la fois savoureux et à un prix intéressant.

Depuis quand Micarna fabrique-t-elle des produits à base de protéines végétales ?
L’entreprise avait déjà par le passé fabriqué une gamme de produits hybrides élaborés à base de viande, avec une teneur élevée en protéines végétales. Mais le marché tout comme les consommateur·rice·s n’y étaient pas encore prêt·e·s. Nous fournissons des succédanés de la viande végans à base de protéines végétales depuis 2019.

Quelle part cela représente-t-il dans la production totale du groupe Micarna ?
À l’heure actuelle, ces produits ne représentent encore qu’une infime partie de l’ensemble de la gamme de produits Micarna. Les produits végans restent des produits de niche.

D’où vous viennent les idées pour fabriquer de nouveaux produits à base de protéines végétales ?
Différents vecteurs d’innovation permettent de mettre en œuvre des idées de produits. Soit celles-ci nous sont suggérées par nos client·e·s ou nous nous inspirons du marché et des tendances de consommation. Je tiens à préciser qu’en tant qu’entreprise industrielle, nous souhaitons développer en quantité des produits végans pertinents et savoureux.

Micarna collabore-t-elle avec des start-ups ou avec la recherche scientifique pour développer des produits innovants à base de protéines végétales ?
Micarna n’étant pas la seule entreprise à fabriquer ce type de produits, l’innovation et la collaboration avec des start-ups est plutôt menée au niveau central, chez Migros Industrie. Mais Micarna aussi a, par le passé, été en contact avec des start-ups et collabore régulièrement avec des instituts et des centres de recherche scientifique. Cela peut prendre la forme d’une collaboration avec des stagiaires ou d’un projet spécifique dans le cadre d’un travail de master.

Quelle est la part de matières premières d’origine suisse dans la fabrication de produits à base de protéines végétales ? Et où se situe le principal obstacle ?
Concernant les matières premières pour les succédanés de la viande, on utilise essentiellement des isolats de protéines. Le développement du marché dans ce domaine n’en étant encore qu’à ses débuts (p. ex. quantités insuffisantes), la Suisse ne dispose pas encore de capacités de transformation concernant les isolats de protéines. Cela va évoluer naturellement à mesure que le marché se développe. Pour ce qui est d’autres catégories de produits comme les substituts au lait ou le tofu, il existe aujourd’hui déjà des produits fabriqués à 100 % à base de matières premières végétales d’origine suisse.

Quelles sont les difficultés spécifiques auxquelles Micarna est confrontée dans le cadre de la fabrication de produits à base de protéines végétales ?
Les prix et la disponibilité des matières premières constituent un véritable défi. Les exigences des client·e·s, telles que des listes d’ingrédients courtes ou des produits en version bio, sont parfois difficiles à satisfaire.

Outre les protéines végétales, quelles autres sources de protéines suscitent l’intérêt de Micarna ?
Micarna transforme des protéines. Que celles-ci soient d’origine animale ou végétale ne joue en définitive aucun rôle. Ce sont les consommateur·rice·s qui, au final, déterminent sur quels types de protéines porter notre attention. En 2017, j’ai commencé à tester sur le marché des denrées alimentaires contenant des protéines d’insectes. Dans ce domaine aussi, en tant qu’entreprise industrielle, nous avions fait office de précurseur innovant avec notre burger et nos boulettes. Mais le test ne s’est finalement pas révélé concluant en raison d’une demande trop faible de la part des consommateur·rice·s. C’est pourquoi, en 2021, nous avons mis en pause la commercialisation de produits de substitution à base de protéines d’insectes durables. Nous en avons néanmoins tiré de précieux enseignements qui nous sont aujourd’hui également utiles dans d’autres domaines (alternatives à base de plantes, viande cultivée, etc.).

Quelle est la principale source de protéines alternative aujourd’hui et qu’en sera-t-il demain ?
Je pense qu’à l’heure actuelle, les protéines végétales sont la principale source car l’on dispose d’une grande expérience dans ce domaine sur l’ensemble de la chaîne de valeur – en tant que fabricant mais également du côté des consommateur·rice·s. Quant aux protéines d’insectes, les consommateur·rice·s n’y sont pour le moment toujours pas prêt·e·s. Mais cela pourra naturellement changer à l’avenir. De la même manière, la viande cultivée à partir de cellules ou les produits issus de la fermentation vont gagner en importance dans un avenir proche.

Micarna a-t-elle investi dans l’achat de nouvelles machines pour la fabrication de ses produits à base de protéines végétales, et quelles sont les principales difficultés liées à la production ?
Non, concernant la fabrication l’on recourt en grande partie aux technologies existantes. Mais au niveau de Migros Industrie, l’on investit également dans de nouvelles technologies clé comme l’extrusion, par exemple.

Quelles avancées connaîtront les produits à base de protéines végétales ? Dans quelle direction la production va-t-elle évoluer ?
La gamme de produits va certainement augmenter grâce aux nouveaux moyens technologiques. Le goût et le prix représentent sans nul doute deux des principaux critères pour les consommateur·rice·s. Réduire la liste des ingrédients et proposer des produits bio à base de protéines végétales permettra également de cibler divers groupes de consommateur·rice·s. Mais je pense que tout cela a aussi ses limites. Il m’est impossible à l’heure actuelle de fabriquer tel quel un succédané de la viande à base de protéines végétales sans en améliorer la texture, ajouter des arômes et faire appel aux technologies de transformation comme l’extrusion, par exemple.

Est-ce que vous consommez vous-même des produits à base de protéines végétales et, si oui, lequel préférez-vous ?
Absolument! Chez nous, à la maison, nous consommons régulièrement des produits de chez Micarna. Les deux préférés de la famille sont les saucisses V-Love que je peux préparer vite fait comme les saucisses de Vienne, en les plongeant simplement dans l’eau bouillante, ou en hot-dog ou simplement grillées au barbecue. Il y a aussi la saucisse à rôtir V-Love que je coupe en rondelles et que je prépare comme une saucisse au curry. Un vrai délice !