04. décembre 2020

Les voitures-robots encore plus lointaines à la suite du coronavirus

Andreas Burgener - Digitalisation

La crise liée au coronavirus frappe aussi durement l’industrie automobile. C’est une raison importante pour laquelle la conduite autonome passe de plus en plus au second plan. Andreas Burgener, Directeur d’auto-suisse et membre de la plateforme thématique «mobilité autonome» de la SATW, esquisse l’influence de la crise du coronavirus sur la mobilité de l’avenir.

«Je pense que la conduite autonome deviendra une réalité avant la fin de cette année.» On a bien l’impression d’avoir lu ou entendu cette phrase chaque année depuis 2015, mais c’est effectivement le patron de Tesla, Elon Musk qui l’a prononcée en février 2019. Comme nul ne l’ignore, nous n’en sommes pas là, et de loin. Musk avait en outre dit qu’à la fin 2020, il ne sera plus nécessaire qu’une personne observe la situation sur la route en conduisant: «Je suis absolument convaincu. Sans aucun doute.» Entre-temps, nous savons que les prévisions de Musk n’étaient qu’un coup de publicité immodeste de l’entrepreneur capricieux. L’Allemagne a depuis interdit à Tesla d’utiliser l’expression «autopilote» pour désigner les systèmes d’assistance à la conduite, au motif que le terme est «trompeur» selon le jugement du tribunal de la grande instance de Munich. Je ne sais pas si Musk compte invoquer la crise du coronavirus comme excuse pour la non-réalisation de ses prévisions. Mais il est clair que la pandémie du COVID-19 a fortement relégué le thème de la conduite autonome au second plan, si bien qu’il a largement disparu du discours public. Les raisons en sont évidentes: pendant la pandémie, l’ensemble du secteur automobile a d’autres problèmes que de faire avancer le rêve de la conduite autonome. Certes, le développement technique se poursuit en arrière-plan. Mais dans l’immédiat, beaucoup d’entreprises – petites et grandes – de l’industrie automobile et de ses équipementiers ont dû se réorganiser à court terme et passer en mode crise. Selon le calcul de l’Association des constructeurs européens d’automobiles ACEA, près de la moitié des emplois chez les constructeurs automobiles – c’est-à-dire pas moins de 1,1 million d’emplois – ont été touchés par un arrêt temporaire de travail durant le confinement en printemps 2020. De surcroît, de nombreux producteurs et équipementiers se sont vu obligés de fermer définitivement des usines ou de supprimer des emplois afin d’adapter les coûts au nouveau volume de ventes. Le nombre de voitures de tourisme nouvellement immatriculées en Europe en 2020 sera inférieur d’environ un quart par rapport à l’année précédente, et il en va de même pour la Suisse et le Liechtenstein. En raison de l’augmentation rapide du nombre de nouvelles infections au COVID-19 en automne et des mesures imposées par les états, beaucoup de spécialistes de la branche craignent que la réelle cascade des faillites dans le secteur automobile reste à venir. Au vu des conditions économiques difficiles et des perspectives incertaines, il est clair que les constructeurs doivent en premier lieu se concentrer sur la gestion de la crise et sur les activités quotidiennes, et non sur la poursuite d’une vision de la conduite autonome.

Les constructeurs automobiles pourraient dépasser les valeurs cibles de CO2

Un autre facteur ralentissant davantage le lancement de voitures-robots réside dans la réduction nécessaire du gaz à effet de serre CO2. A la suite des bouleversements de la crise, de grands constructeurs automobiles risquent de dépasser les valeurs cibles abaissées au début 2020 pour les voitures de tourisme et de livraison dans l’UE, ce qui engendrerait des sanctions à hauteur de milliards. Selon leur directeur Herbert Diess, Volkswagen ne dépasse la valeur cible que «d’un gramme environ», mais ce gramme pourrait déjà coûter plusieurs centaines de millions au groupe. Il sera «très difficile d’atteindre les objectifs», poursuit Diess. Les fermetures d’usines en printemps se traduisent maintenant par un manque de suffisamment de modèles (partiellement) électriques permettant de réduire fortement la moyenne de CO2. Ce n’est pas sans raison que divers constructeurs automobiles dans l’UE recherchent des possibilités de regrouper leurs flottes de sorte à pouvoir éviter des sanctions élevées. Avec une telle épée de Damoclès au-dessus de la tête, l’abandon du volant dans la voiture de l’avenir passe encore plus à l’arrière-plan.

Où mène le développement de véhicules autonomes?

Les prévisions actuelles sur la commercialisation de véhicules du niveau 5 pouvant rouler autonomement à leur destination sont un peu plus réalistes que celles d’Elon Musk il y a deux ans. Récemment, BMW a présenté l’iX, leur modèle phare entièrement électrique. On avait longtemps spéculé sur le degré d’automatisation qu’aura le modèle lors de son lancement. Dans une interview avec le journal allemand «Handelsblatt», Frank Weber, directeur du développement de BMW, a commenté l’introduction dans les termes suivants: «Chez nous, la sécurité va toujours de pair avec la fonction client. C’est pourquoi nous ne déléguerons pas hâtivement la responsabilité du conducteur à l’ordinateur.» Aujourd’hui, les conducteurs humains conduisent 700 millions de kilomètres de suite sans accident. Ce chiffre sert de référence pour le développement, explique Weber. Et il manque encore quelques pas pour y parvenir. Thorsten Gollewski, responsable du développement chez ZF et directeur de la filiale de ZF Zukunft Ventures, précise que les voitures ne sont pas le type de véhicules pour lesquels la conduite sans conducteur deviendra d’abord commercialisable: «Nous sommes très critiques à l’égard de la conduite autonome des voitures de tourisme», a dit Gollewski au début du salon virtuel des semi-conducteurs Electronica de cette année. «En raison des coûts élevés, le marché sera très limité, vu que personne ne peut se le payer.» La situation est très différente pour les voitures de livraison, poursuit-il. C’est là que cette technique s’imposera en premier: «Les véhicules utilitaires sont les grands gagnants dans la course vers la conduite autonome. Une forte hausse du trafic de livraison peut être observée pendant la pandémie. Il en résulte une lacune qui ne peut être comblée qu’à l’aide de la conduite autonome.» C’est peut-être la raison pour laquelle Elon Musk a déjà réfléchi à développer une camionnette Tesla.

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